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Rapport des jeunes au travail : des différences peu marquées avec les salariés plus âgés

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Rapport des jeunes au travail : des différences peu marquées avec les salariés plus âgés

Au-delà des élèves et étudiants qui reprennent le chemin de l’école, chaque rentrée scolaire est l’occasion pour de nombreux jeunes d’entrer dans la vie professionnelle. Chaque année, entre 700 et 800 000 jeunes, nouvellement diplômés ou ayant quitté le système scolaire, entrent sur le marché du travail, sans parler des 300 à 400 000 nouveaux alternants qui débutent un apprentissage ou un contrat de professionnalisation.

Ces jeunes sont parfois perçus comme moins fidèles et engagés au sein de leur entreprise, prompts à changer d’emploi et de métier régulièrement. Ils peuvent aussi être vus comme davantage « revendicatifs », avec des exigences accrues en matière de flexibilité au travail (horaires non fixes, télétravail…) et de responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Cette vision des jeunes travailleurs est parfois mise en lien avec les tensions au recrutement et taux de turnover élevés observés dans la quasi-totalité des secteurs.

Mais les chiffres et études réalisés sur le sujet attestent-ils d’une réelle différence avec les générations précédentes ?

Deux publications récentes s’inscrivent à rebours de cette idée.

Ainsi, l’APEC a mené avec Terra Nova une étude sur le rapport au travail des actifs de moins de 30 ans, publiée en février 2024. Portant sur les salariés cadres de droit privé, cette étude fait plusieurs constats intéressants :

  • Aucune différence objective n’est observée entre l’engagement des moins de 30 ans et des salariés plus âgés. Les jeunes se sentent tout autant investis dans leur travail et leur organisation, ont un bon niveau de confiance dans les différents acteurs de l’entreprise et acceptent l’autorité hiérarchique.
  • Les jeunes actifs (cadres et non cadres) sont décrits comme globalement engagés, satisfaits et combatifs dans leur vie professionnelle. Ils se distinguent par une forte envie d’apprendre, de progresser et d’évoluer.
  • Peu importe les générations interrogées, les critères d’appréciation du travail les plus importants sont les mêmes : les cadres souhaitent d’abord un travail rémunérateur, puis intéressant, et facile à concilier avec leur vie personnelle.
  • La RSE ne semble pas constituer un critère « positif » très marqué dans le choix d’un employeur qui serait plus engagé que les autres. En revanche, l’impact négatif est plus net, si l’entreprise est vue comme ayant un mauvais impact social ou environnemental ou faisant du « greenwashing ».
  • La flexibilité du travail, en particulier le télétravail, est appréciée par les jeunes mais absolument pas souhaitée tous les jours par une majorité d’entre eux, qui craignent notamment qu’une distance trop grande les pénalise dans leur progression.

En parallèle, le baromètre DJEPVA sur la jeunesse, publié début 2024, s’intéresse également au rapport des jeunes au travail en 2023. Il confirme l’importance de la rémunération comme critère de choix, l’intérêt réel mais mesuré pour le télétravail et la volonté d’accéder rapidement à un haut degré de responsabilité et d’autonomie.

Les jeunes ne se distinguent donc pas par des attentes ou critères fondamentalement différents des autres générations. Sont-ils en revanche plus enclins à changer de métier ou d’entreprise ?

Le niveau de qualification des jeunes, de plus en plus élevé, constitue un premier élément à prendre en compte. Le nombre de diplômés de l’enseignement supérieur augmente progressivement chaque année (52% des sortants de formation initiale en moyenne entre 2019 et 2021), tandis que le nombre de jeunes sans diplôme diminue (environ 12%, contre 20% au début des années 2000).

En parallèle, le taux de turnover en France augmente de façon régulière depuis le début des années 2000. Aujourd’hui estimé entre 15 et 20%, il semble en effet en partie porté par les jeunes salariés, plusieurs enquêtes montrant qu’ils sont plus susceptibles de changer d’emploi rapidement. Cela n’est néanmoins pas incompatible avec l’engagement dont ils sont capables au sein d’une entreprise ou d’un secteur, tel que souligné par les études précédemment citées.

Par ailleurs, entrés sur le marché du travail plusieurs années après la crise de 2009, les moins de 30 ans ont bénéficié d’un contexte de tensions au recrutement et pénurie de compétences qui leur était plutôt favorable, à l’exception de la période de crise du COVID-19 qui a vu un fort ralentissement de l’économie et de l’emploi.  Avec le recul du chômage ces dernières années et l’augmentation du nombre d’entreprises en France (le nombre d’entreprises créées chaque année en France a quadruplé entre 2000 et 2022, et on en totalise 3,6 millions en 2023 selon l’Insee), les jeunes peuvent se permettre de changer d’entreprise relativement facilement si les conditions qui leur sont proposées leur paraissent insatisfaisantes. Le baromètre DJEPVA souligne par exemple qu’un stress ou une charge de travail trop importants constitueraient le premier motif susceptible de les faire quitter leur entreprise.

Autre élément intéressant : les moins de 30 ans ont une vision plus pessimiste de l’avenir que les salariés plus âgés, avec plus de la moitié des jeunes interrogés dans le cadre du baromètre DJEPVA pensant qu’ils connaîtront des périodes sans emploi au cours de leur carrière.

En résumé, les jeunes évoluent dans un contexte leur paraissant instable et incertain, dans lequel ils ont néanmoins conscience de disposer d’atouts à jouer, notamment grâce à un niveau de qualification de plus en plus élevé. Les recruteurs sont spontanément plus prompts à rechercher des profils jeunes par rapport à des seniors, par exemple, qui font face à de forts enjeux d’employabilité. Les employeurs ont des a priori sur les prétentions salariales et la capacité d’adaptation des seniors ; en 2023, 58% des 55-64 ans occupaient un emploi en France, en-dessous de la moyenne de l’Union européenne (63,9%).

En conclusion : des actions ciblées par catégories d’âge à la portée limitée ?

Dès lors, les politiques destinées aux jeunes actifs sont peut-être basées sur une vision faussée de ces derniers. Les chiffres établissent des différences plus notables sur les attentes, perceptions et critères entre différents milieux sociaux et CSP qu’entre classes d’âge. Ainsi, les cadres se déclarent généralement plus satisfaits par leur métier et leurs conditions de travail que les employés et les ouvriers.

Ces éléments méritent donc d’être pris en compte au moment d’élaborer des stratégies d’attractivité, par exemple.

Chiffres clés : 

  • 700-800 000 nouveaux jeunes actifs sur le marché de l’emploi chaque année
  • 47% des jeunes interrogés par l’APEC et Terra Nova jugent le travail plus ou aussi important que les autres pans de leur vie (vs. 47% des 30 à 44 ans et 36% des 45 ans et plus)
  • 52% des sortants de formation initiale sont diplômés de l’enseignement supérieur

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